61. Livingston - Chichicastenango



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Nous traversons sur une mer d'huile pour arriver a Livingston. Le passage a l'immigration est une nouvelle fois facile et sympa. En revanche, je suis decu par la ville. Avec sa population Garifuna, elle constitue une enclave unique au Guatemala, mais venant du Belize, ca ne change pas grand chose, a part que les gens parlent Espagnol et que c'est tres, tres touristique. La pluie s'installe, suivie d'une invasion de termites en vol nuptial (litteralement une pluie d'insectes).
Je reprends un hors-bord - seul moyen de sortir de Livingston qui n'est connectee a aucune route - sur le Rio Dulce, en direction du lac Izabal. Tres belle etape, un peu ralentie par les arrets obliges dans un centre d'artisanat puis des sources chaudes ou les gringos sont invites a depenser leurs Quetzales fraichement sortis de la banque. Le Rio Dulce est egalement considere par la garde cotiere americaine comme le refuge le plus sur des Caraibes pour les bateaux de plaisance pendant la saison des ouragans, c'est a dire maintenant. Les Indiens qui pechent en pirogue y cotoient donc les Americains en yacht, scooter des mers et ski nautique...
Arrive a Fronteras, qui tient son nom de l'epoque ou aucun pont n'enjambait le fleuve, et ou le Peten etait encore une region isolee au Nord, je me remets sur selle.
Quelques minutes seulement en direction d'El Estor, sur le lac Izabal, et un motard ivre se plante tout seul a la sortie d'un virage, apres m'avoir double, se fracassant un peu la tete sur le bitume. Je fais la circulation pendant quelques minutes et quitte les lieux quand l'ambulance arrive. Belle intro!
Il m'arrive ensuite quelque chose de tres etrange. Je suis la route principale, qui me force a tourner a gauche. Je tourne donc a droite a l'embranchement suivant, pour retrouver ma direction initiale, logique. Mais, au bout de 8 kilometres, je suis de retour a Fronteras. Je fais donc demi-tour, et je trouve finalement un panneau El Estor peint a la main sur un bout de bois. Me voila dans la bonne direction, sans aucune explication sur ce qui a bien pu se passer!
La route est plate et le goudron neuf, jusqu'a un certain point. Ensuite, c'est de la piste minable, et il va falloir s'y habituer. J'arrive a El Estor en fin d'apres-midi, ou j'apprends que c'est la foire du village. Je m'attends a une grande fiesta, mais ca reste en fait tres sobre. Sympa quand meme...
De nouveau sur la route le lendemain, la route quittant le lac devient de pire en pire. Les cailloux laissent place a un melange de terre, de pierres et de poussiere salissant et usant, entrecoupe de passages de boue et de ruisseaux qui s'invitent sur la chaussee pour ajouter un peu de difficulte. Le relief est egalement de plus en plus prononce, ou il faut faire confiance aux freins des camions qui arrivent en face, et supporter les regards insistants et les moqueries des Mayas qui se massent pour me regarder galerer dans les montees. L'etat de la route n'arrange pas la difficulte liee aux importantes denivelees, et il me faudra 8 heures pour parcourir les 32 km qui separent les petites villes de Tucuru et Tactic (1200m de grimpette), ou je partage une chambre d'hotel avec une tres grande famille de cafards...
Le lendemain, je loupe un croisement pour aller a San Cristobal Verapaz (toujours se mefier des raccourcis des locaux), et je me retrouve, 25 km de piste pourrie plus bas, dans un cul-de-sac, au pied du barrage de Chixoy. Meme pas du bon cote pour au moins voir le lac, tres joli d'apres le gardien et son fusil a pompe. J'ai heureusement la chance que le fermier local ait appele un microbus pour venir l'emmener a San Cristobal. J'ai le choix entre un ou deux jours de montee dans les cailloux, au milieu de rien, pour revenir a mon point de depart, ou 4 euros pour partager la course. Le choix est vite fait! J'arrive donc a San Cristobal Verapaz avec peu d'efforts mais beaucoup de secousses, et je passe la nuit dans une chambre crado, avec quelques cafards et un animal dans le plafond qui pousse des cris etranges...
Je fete le lendemain, jeudi 1er juillet, une annee complete de voyage depuis Deadhorse en Alasaka, avec 13000 kilometres au compteur.
Je romps avec mon habitude de tout faire en velo et de ne faire du stop que lorsque la route est vraiment impratiquable, mais ca se produit juste apres que la route ait rompu avec son habitude d'etre tout simplement existante. Je viens en effet de faire un detour de pres d'une heure sur une piste dangereuse pour traverser un glissement de terrain qui a tout simplement emporte la route au fond de la vallee. La masse de roche effondree est telle qu'elle aurait emporte avec elle tout un village, plusieurs centaines de personnes, avec elle. Je viens d'apprendre que Romain, le cycliste francais que j'ai laisse sur la cote mexicaine il y a quelques mois, se trouve a Panajachel, sur le lac Atitlan, ou je me rends dans quelques jours. Je force donc un peu pour le rattraper, et lorsqu'un pick-up s'arrete et que le conducteur m'offre de m'emmener en haut des 20km de montee que je suis en train d'attaquer sous le soleil de midi, apres une crevaison, je resiste un peu mais je finis par accepter. Antoni, instituteur, m'invite meme a manger chez lui avant de reprendre la route.
Pour me faire payer l'affront de l'avoir delaisse au profit d'un moteur, mon velo creve de nouveau, a l'arriere du pick-up! Je regrette l'epoque ou je ne crevais jamais...
Je profite de l'avancee pour aller plus loin que prevu, a Cunen, ou j'arrive epuise, a la tombee de la nuit et au commencement d'une forte pluie. Cette nuit, mon compagnon de chambre semble etre un rat, qui s'invite jusque sous ma couverture, d'apres les crottes laissees sous les draps. Je suis content de ne pas m'etre reveille!
Le lendemain, une descente incroyable m'amene a Sacapulas, avec pour seul incident un gamin qui me tire dessus avec son lance-pierre, la mauvaise surprise me faisant devier de ma route a pleine vitesse et foncer sur la voie de gauche alors qu'un camion arrive en face, heureusement bien trop charge pour depasser les 15 km/h. Ouf! Pas de mal, mais une sacree frayeur. Je descends de velo pour aller voir le petit inconscient, qui bat le record de course a travers champs de mais.
Passe Sacapulas, il faut remonter. Alors que je progresse difficilement sous un soleil de plomb, un pick-up s'arrete une nouvelle fois pour me secourir. C'est une poignee d'evangelistes qui parcourent la region en offrant des soins a des malades, et en evangelisant bien sur. Ils me deposent a Chichicastenango, me faisant gagner au moins une demi-journee d'effort. Je repars egalement avec du pain et une bible, car c'est gracias a Dios que je fais ce voyage...
Chichicastenango (Chichi) est une etape sympathique et coloree. La petite ville est tres connue pour son marche, qui attire deux fois par semaine des cohortes de touristes. J'y tombe un jour de marche normal, deja assez consequent, et suffisant. J'y reste deux nuits avant d'attaquer une severe montee jusqu'a 2400m d'altitude, avant une longue, longue descente vers Panajachel ou m'attend Romain.M'attendent egalement Matthew et Nancy, un couple de cyclistes qui se sont arrete un jour ici au bord du lac Atitlan et s'y sont installes pour une duree indeterminee.


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