78. Cartagena

Arrivés en Colombie,  il nous faut obtenir le sesame de l'immigration a Capurgana pour etre officiellement autorisés sur le territoire. Une legere embrouille a propos d'un eventuel dessous de table demande par l'agent d'immigration manque de peu de nous faire passer le tampon sous le nez, surtout apres que la police, passant par la, soit prise a parti. Heureusement, le jeu se calme, et je tombe meme dans une minute joyeuse du fonctionnaire, qui accepte de me donner 90 jours d'autorisation de sejour, le maximum.


Le lendemain, nous nous levons tot pour prendre le bateau pour Turbo, premiere ville de la cote connectee a une route. De la, j'avais prevu de filer directement a velo vers Medellin, mais je change de programme pour suivre le groupe en bus vers Cartagena. Enfin pour ca, il faut deja arriver a Turbo, et ca c'est deja une aventure en soi...


Premier probleme : la pesee des bagages a Capurgana. Le gars qui gere cette tache est un escroc fini : il m'annonce des poids en kilos alors qu'il pese en livres, deja. Je lui fais bien vite corriger, ce qui le vexe un peu mais faut pas deconner, quand meme (une livre vaut moins de 500 grammes, donc sa magouille fait plus que doubler le poids reel de mon equipement). Je m'enerve un peu plus ensuite lorsqu'il gonfle les mesures, lisant 16 au lieu de 14 ou 8 au lieu de 6, et je perds completement patience lorsque je le vois forcer le poids en appuyant sur un de mes sacs, devant l'ecarter physiquement de la balance pour obtenir une lecture normale. Quand arrive mon velo, bien demonte, emballe dans du carton et enroule dans une bache, il m'annonce que c'est un tarif special, au volume, et me donne illico un prix. Comment il a mesure le volume, mystere, mais toujours est-il que me voila avec un velo d'une quinzaine de kilos facture comme un bagage de 80 kilos! Face a mon incredulite, il me dit que tout ca est ecrit au dos du billet, ce qui est faux. J'essaie d'obtenir de l'aide des deux policers en charge du quai, mais j'abandonne vite face a leur apatie (complice?). Je trouve le responsable plus loin sur le quai, qui m'accueille avec beaucoup de professionnalisme, me disant mechamment que tout ca est tout a fait regulier mais refusant de me montrer le reglement. Il m'envoie vers le capitaine, qui s'avere aussi malhonnete voire pire que ses deux comperes, et j'abandonne la lutte avant que ca ne s'enflamme trop et ne me fasse risquer de ne pas embarquer... Je paie au final en surplus de bagages l'equivalent d'un deuxieme ticket, tout de meme!


Je pense laisser les problemes sur le quai, mais pendant que je m'embrouille avec la bande de voleurs de grands chemins, tout le monde a embarque avec ses bagages, et l'evidence prend forme : nous sommes beaucoup trop nombreux. Je me retrouve donc au premier rang, ou nous sommes 6 alors qu'il y a tout juste assez de place pour 5. C'est tres inconfortable, mais ca se gate particulierement lorsqu'on s'engage sur une mer plutot agitee et que le capitaine fonce comme un malade. La colonne vertebrale est serieusement sollicitee, des lombaires aux cervicales, et  le capitaine reste insensible aux craquements des coccix sur les dures planches qui nous servent de sieges, ainsi qu'aux gemissements qui les accompagnent.


Mais soudain, dans un incroyable sursaut de bonté, la brute epaisse ralentit la cadence, au soulagement des passagers. Une reaction sensee, peut-etre, a la montee generale de pulsions meurtrieres chez les passagers? Ni l'un, ni l'autre. La barbaque gringo etalee sur les bancs et qui souffre le martyr, il s'en fiche comme de sa premiere bouee. J'y soupconne meme un peu de plaisir. Non, la raison est a chercher ailleurs. Pas dans sa tete, mais dans le reservoir d'essence, qui sonne tout aussi desesperement creux :  ce gros degourdi vient tout simplement de nous faire tomber en panne seche au milieu de nulle part. Capitaine Malin a au moins l'intelligence minimale qui pousse a avoir une ancre sur un bateau, ce qui nous permet de mouiller et de ne pas trop devier de notre route en attendant de l'aide. Apres un certain temps d'attente, des collegues a lui, plus malins certainement, nous depannent avec de l'essence qu'ils ont en trop, et nous pouvons repartir. Le capitaine n'echappera au lynchage qu'il merite grace au chaos total qui s'abat sur nous en arrivant a quai a Turbo, ou le touriste vaut de l'or.







Heureusement pour nous, Adam, le second du capitaine Marco (du premier bateau, la partie sympathique), nous a prevu deux minibus pour nous emmener a Cartagena, ce qui nous evite des negociations compliquees avec la foule frenetique.
 Le soulagement est mitige par l'etat de la route. Nos arriere-train et dos endoloris devront encore souffrir dix heures de routes defoncees. Un bottage de cul dans les regles, avec, pour pimenter un peu, le jeu de savoir si oui ou non notre chauffeur va tuer quelqu'un ou pas. La reponse est non, mais deux motards y ont echappe de tres peu. On aurait pu les avoir, mais le chauffeur n'etait visiblement pas en forme. Alors que je me demande s'il vaut mieux regarder ou fermer les yeux, je realise que je vais rouler en velo dans ce pays, ce qui n'est pas une perspective tres allechante!

Mais nous arrivons a Cartagena, tard mais heureux de trouver le confort d'un lit pour la nuit, sans vagues, sans nids-de-poules, sans Capitaine Malin ni chauffeurs suicidaires. Il faudra quand meme trois jours a mon dos pour s'en remettre, apres quoi je profite un peu de la ville, assez jolie je dois dire, avant de songer a prendre la route pour Medellin...



















1 commentaires:

poncet said...

Car ta gene n'est pas ton plaisir?